Trois types de critiques peuvent être dégagées vis-à-vis de ce qui se présente depuis les années 1970 comme un idéal universel :
Critique politique (qui donnera naissance au « conservatisme » politique)
E. Burke, Réflexions sur la Révolution de France, 1790 :
Thèse : les révolutionnaires se sont trompés dans l’identification des droits naturels, et ont contruits une pure abstraction - l’égalité de tous les citoyens n’est qu’une « idée métaphysique », détachée des conditions de l’expérience humaines, impossible à mettre en pratique. - Proclamer les individus comme « souverains » et « égaux » transforme la société de tout harmonieux en un « chaos de corpuscules élémentaires ». Solution : Aux Rights of men, il oppose les Rights of English-men : on ne peut parler de droits que dans un corps politique déjà constitué.
De Maistre, Considérations sur la France
Thèse : se voulant universlle, la DDHC n'est que pure abstraction, et ne vise aucun homme. La constitution de 1798 (comme celles qui la précèdent) est faite pour l’homme. « Or il n’y a point d’hommes dans le monde. J’ai vu dan ma vie des Français, des Italiens, des Russes, mais quant à l’homme, je déclare ne l’avoir jamais rencontré de ma vie ; s’il existe, c’est bien à mon insu… Mais une constitution qui est faite pour toutes les nations n’est faite pour aucune ; c’est une pure abstraction, une œuvre scolastique faite pour exercer l’esprit d’après une hypothèse idéale, et qu’il faut adresser à l’homme, dans le espaces imaginaires qu’il habite ». 2. Critique sociale : K. Marx, La Question juive , 1843
L’homme de la DDHC est l’homme bourgeois ou égoïste, en tant que la liberté est définie de façon négative comme limitée par la non-nuisance à autrui.
La révolution reproduit le mouvement de la religion, en ajoutant un monde supplémentaire au monde réel, dans lequel sont situés l’Egalité et l’universel, et vers lesquels les aspirations des citoyens sont dirrigés, pour mieux les détourner du monde réel.
Et, projetant l’existenced’un monde irréel, légitiment le fonctionnenement de la société civile.
La liberté dont il est question est surtout la liberté de propriété (cf. a. 2, 1789 et 1793 ; a. 17, 1789 ; a.1 1795)
La DDHC se fonde sur la « séparation de l’homme d’avec l’homme », et la liberté n’est que négative
(§ 3) « Les droitsde l’homme, par opposition aux droits du citoyen, ne sont rien d’autre que les droits du membre de la société bourgeoise, c'est-à-direde l’homme égoïste, de l’homme séparé de l’homme et de la collectivité. […] La liberté est donc le droit de faire et d’entreprendre tout ce qui ne nuit à aucun autre [a.4]. Il s’agit de la liberté de l’homme en tant que monade isolée, repliée sur elle-même. […] Le droit de l’homme à la liberté n’est pas fondé sur la relation de l’homme à l’homme, mais au contraire sur la séparation de l’homme d’avec l’homme. Il est le droit à cette séparation, de droit de l’individu limité, limité à lui-même. 2. Application : la jouissance égoïste de la propriété privée. (§ 4) L’application pratique du droit à la liberté est le droit de l’homme à la propriété privée […], le droit de jouir et de disposer de sa fortune arbitrairement, sans soucier d’autrui, indépendamment de la société, c’est le droit à l’égoïsme [à l’intérêt personnel] 3. Une liberté individuelle qui fait de l’autre une limite à sa liberté Cette liberté individuelle-là, de même que son application, est le fondement de la société bourgeoise. A chaque homme, elle fait trouver en l’autre homme, non la réalisation, mais au contraire la limite de sa liberté. […]. Aucun des droits dits de l’homme ne dépasse donc l’homme égoïste, […] c'est-à-dire un individu replié sur lui-même, sur son intérêt privé et son plaisir privé, et séparé de la communauté ».
3. critique empirique : J. Bentham, L’absurdité juchée sur des échasses.
Thèse : il n’existe pas de droits naturels (= l’absurdité est de les proclamer) et Ω, mais seulement le droit établit par une communauté à un moment donné (une loi n’est bonne qu’autant qu’elle est utile). Cette absurdité est « juchée sur des échasses » quand en plus de les proclamer, on les élève au rang de vérité universelle. La DDHC revient à autoriser la révolte constante, l’anarchie, car elle énonce des droits (comme le droit de propriété) qui ne sont pas applicables.
En théorie : chacun des citoyens à une « droit » à la propriété (a. 2, DDHC, 1789)
En pratique : ce droit légitime la revendication des non-possédants ; tous ont le droit à une propriété ; or tous n’en n’ont pas ; donc il fait re-répartir les biens pour que ce droit soit respecter.
L’écart entre la théorie (la proclamation de droits qui seraient naturels, imprescriptibles et inaliénables) et la pratique (jamais les gouvernements révolutionnaires n’ont cherché à redistribuer les terres) invite les citoyens à une légitime révolte.
Conclusion de Bentham devant ces Droits de l’Homme : ils sont proclamation vide, et qui plus est dangereuse, car inappliqués et surtout inapplicables